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Les dessous de l'affaire "bermuda" : SAGEM(SAFRAN-AIRCELLE-SNECMA)
Les dessous de l'affaire "bermuda" : SAGEM(SAFRAN-AIRCELLE-SNECMA)
24 avril 2014

juge et medef

Humanité article paru dans l'édition du 5 avril 2005.

Peugeot-Citroën Intouchable ?

Aux prud’hommes de Bobigny, les patrons sont tombés sur un os, dans leur propre camp. Françoise de Morsier, petite patronne et conseillère prud’homme employeur depuis presque dix ans, jette le pavé dans la mare. Elle révèle aujourd’hui les pressions qu’elle a subies de trois de ses pairs.

En 2003, trois conseillers employeurs liés au MEDEF lui ont ordonné de ne jamais donnerpsa2 raison aux salariés dans des affaires concernant l’entreprise Peugeot-Citroën, lui ont reproché ses décisions et l’ont écartée des audiences pour la punir de ne pas s’être pliée. À partir de son témoignage, une procédure disciplinaire a été engagée contre les trois juges par le vice-président (CGT) du conseil de prud’homme

Rappel à l’ordre

Les faits remontent au 15 avril 2003. Ce jour-là, deux affaires concernant l’usine Citroën d’Aulnay-sous-Bois, la plus grosse entreprise du département, passent en bureau de jugement. Deux salariés, dont Citroën s’est débarrassé en trouvant un prétexte bidon, contestent le motif du licenciement pour faute grave et demandent des dommages et intérêts. Le bureau de jugement est composé de deux conseillers salariés et de deux employeurs, M. Bentin et Mme Françoise de Morsier. Lors du délibéré, celle-ci donne raison aux deux salariés. La suite, elle la raconte le 21 février dernier, lors d’une assemblée générale convoquée dans le cadre de la procédure disciplinaire.

« Lors du délibéré, M. Bentin a déclaré en me menaçant du doigt que j’en entendrais parler, de ma position dans ces jugements », peut-on lire dans le procès-verbal de cette assemblée. Quelques jours plus tard, elle est convoquée au siège départemental du MEDEF, où elle est « entendue » par MM. Gilzinger et Borne -tous deux conseillers prud’hommes employeurs, le premier étant président du conseil -, en présence de M. Queyrat, le numéro 2 du MEDEF de Seine-Saint-Denis. Ils ont été alertés par une lettre de M. Bentin. « Ils me reprochaient mes jugements dans les affaires Peugeot-Citroën du 15 avril 2003, rapporte-t-elle. J’ai alors été rappelée à l’ordre par les personnes présentes. Ils m’ont dit clairement qu’en ce qui concerne Peugeot-Citroën, je ne devais jamais condamner cette société, et qu’il fallait que je parte en partage des voix si je ne pouvais faire autrement. » Autrement dit, ils lui demandent de systématiquement donner tort aux salariés pour que le délibéré donne deux voix contre deux, et que l’affaire soit mise « en départage» devant un juge professionnel. À Bobigny, du fait de l’engorgement du tribunal, les délais de départage sont de douze à dix-huit mois. De tels renvois font gagner du temps à Citroën,     découragent les plaignants et dissuadent les autres salariés de se lancer dans une action en justice.

L’affaire ne s’arrête pas là. À partir du troisième trimestre 2003, Mme Françoise de Morsier n’est plus programmée pour les bureaux de jugement. Celui qui établit les roulements n’est autre que M. Borne, en collaboration avec M. Gilzinger. « J’ai été sanctionnée pour ne pas avoir suivi les instructions », déclare la conseillère. Après plus d’un an de mise à l’écart, elle finit par confier à un conseiller salarié CGT la raison de son absence. En janvier, Thierry Bénéfice, vice-président CGT du conseil, lance alors à l’encontre des trois employeurs une procédure disciplinaire pour « atteinte à l’indépendance et à l’exercice régulier de la fonction de conseiller prud’homme de Mme Françoise de Morsier », grief auquel s’ajoute pour M. Bentin la « violation du secret du délibéré ». Aucun des trois ne s’est présenté à l’assemblée générale du 21 février où ils devaient s’expliquer.

sanctions attendues

Le dossier est maintenant sur le bureau du procureur, qui doit le transmettre avec avis au garde des Sceaux, les sanctions éventuelles étant la censure, la suspension ou la déchéance des conseillers. Quelle que soit la décision du ministre, l’affaire en dit long sur la partialité des juges employeurs, et sur l’influence d’une grosse entreprise comme Peugeot-Citroën.

citroen_aulnayEn 2003, Citroën-Aulnay était confrontée à une offensive du syndicat CGT, qui avait lancé une série de plaintes contre le recours abusif à l’intérim. La plupart des intérimaires obtenaient gain de cause devant les prud’hommes. C’est probablement cette accumulation qui a poussé Citroën à opérer un tour de vis au conseil, pour éviter des condamnations trop éclatantes.  « Au cours de l’année 2003, nous avons en effet constaté   que nos dossiers ont commencé à être systématiquement envoyés en départage »,confirme Philippe Julien, secrétaire du syndicat CGT de Citroën-Aulnay.

Lors de l’assemblée générale du 21 février, M. Mozet, conseiller salarié CGT, a raconté que lors d’un délibéré concernant des affaires Peugeot-Citroën, « les conseillers du collège employeur se sont mis en partage de voix sans avoir ouvert les dossiers et étudié les pièces ».         

Les faveurs des juges employeurs ne sont toutefois pas réservées à Citroën. Selon Mme Françoise de Morsier, « des instructions sont données aux conseillers du collège employeur pour ne pas condamner certaines entreprises.

J’ai entendu dire que lors d’une affaire Air France, des consignes semblables ont été données ». Très remontée contre ces pratiques, la patronne a, de son côté, porté plainte contre les trois conseillers auprès du doyen des juges d’instruction, pour « violation des délibérés », « délit d’entrave » et «mandat impératif » : c’est le fait pour un conseiller d’avoir promis à un électeur de toujours juger dans un même sens.

Fanny Doumayron       

 

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