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Les dessous de l'affaire "bermuda" : SAGEM(SAFRAN-AIRCELLE-SNECMA)
Les dessous de l'affaire "bermuda" : SAGEM(SAFRAN-AIRCELLE-SNECMA)
24 avril 2014

Une entaille de plus dans la gestion de droit divin des patrons.

HUMANITE

Article paru dans l'édition du 9 juillet 1997.

La cour d’appel de Riom a condamné, le 1er juillet 1997, une filiale de la SAGEM pour avoir sabordé une usine en 1995 sans respecter « le concept de préservation de l’emploi ». Une décision qui tombe en pleine affaire Renault Vilvorde. Au moment aussi où une réforme de la loi sur les licenciements économiques est à l’étude.

GUY COUDIERE, Michel Merle, Thierry Compte... Ils sont quatorze sur la liste des plaignants. S’ils s’en étaient remis à leurs saints patrons plutôt qu’à la justice, le dossier de la fermeture de la câblerie SILEC de Riom (Puy-de-Dôme) reposerait dix pieds sous terre. Personne n’aurait autopsié le cadavre de l’usine, abandonné depuis près de deux ans dans le cimetière des complexes industriels disparus. De profundis... Mais le collectif de salariés licenciés, soutenu par la CGT, a fait remonter l’affaire jusqu’à la barre du tribunal, des prud’hommes d’abord, de la cour d’appel de Riom ensuite.

Tout commence à l’automne 1994. La direction de la SILEC, filiale de la SAGEM, veut regrouper son activité câbles sur le seul site de Montereau (Seine-et-Marne). Pour justifier la disparition de l’unité auvergnate et la suppression de 380 postes, les patrons arguent d’une situation de « vulnérabilité » face à « la compétition mondiale ». Ils brandissent la menace de « pertes » à venir, assurent que la voie du redressement passe impérativement par la réalisation de quatre objectifs, fixés sur cinq ans. Au regard du chiffre d’affaires (CA), le résultat d’exploitation doit atteindre les 10%, le résultat net 5%. A l’année, chaque individu devra rapporter 1 million de francs de CA et 400.000 francs de valeur ajoutée.

Devant le comité central d’entreprise, la direction examine trois hypothèses : le maintien à Riom avec une amputation limitée à 86 licenciements, la fermeture avec concentration sur Montereau et, dernière option, une spécialisation du complexe riomois au prix de 213 emplois détruits. Mais la messe était dite : la deuxième solution sera retenue et appliquée malgré la contre-expertise produite par les représentants des salariés. La SILEC n’a d’yeux que pour les 170 millions de francs de bénéfices d’exploitation (la fameuse barre des 10%) et le gain notable en « flexibilité nécessaire à l’outil industriel ».

Le premier coup de tonnerre éclate le 12 décembre 1996. Plusieurs mois après l’arrêt des machines à Riom, le tribunal des prud’hommes condamne la SILEC à verser à chacun des quatorze plaignants 70.000 francs de dommages et intérêts pour « licenciement sans cause réelle et sérieuse ». La juridiction relève notamment que, dans les trois hypothèses exposées, la société, dont le chiffre d’affaires gardait sa valeur, conservait une même part de marché et une même capacité d’investissement. Dès lors, elle aurait dû privilégier l’option la moins nocive pour l’emploi.

La direction de la SILEC contre-attaque en appel. Elle crie à l’incompétence : « Il n’appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle de l’employeur en matière de choix économique. » Le patron répète que « la conservation de deux sites spécialisés aurait gravement exposé l’entreprise ». Et d’asséner l’argument massue du CNPF : « L’entreprise n’est pas chargée du traitement social du chômage et ne saurait se voir imposer le maintien des emplois au seul motif que ses ressources le lui permettent. »

Le droit divin.

des patrons

La cour d’appel de Riom n’a pas eu la même lecture du Code du travail. Confirmant la condamnation de la société SILEC, le mardi 1er juillet, elle estime qu’il incombait bien aux juges des prud’hommes « de rechercher si la restructuration, décidée par l’employeur et ayant conduit à des licenciements pour motifs économiques, a bien été effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité considéré ». Or, en l’occurrence, dans « aucune des (trois) situations la pérennité de l’entreprise n’est menacée », affirment les magistrats. Au contraire, dans tous les cas de figure, les prévisions tablaient sur des profits « largement positifs » pour la période 1995-1997, une capacité d’investissement annuel de 60 millions de francs, une distribution de dividendes de 28 millions par an...

Pourquoi la SILEC a-t-elle donc préféré scier sa branche auvergnate ? « L’entreprise s’est mise en situation de dégager une capacité d’autofinancement de plus de 150 millions de francs, soit deux fois et demi supérieure aux besoins annoncés », expliquent les auteurs du jugement. Ainsi, la filiale de la SAGEM « n’a pas intégré dans ses calculs, comme elle en avait cependant l’obligation (...) le concept de préservation de l’emploi, reléguant celui-ci au rang de simple variable indemnitaire relevant du traitement social du chômage, et a donc excédé la mesure de ce qui était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur considéré de l’entreprise ».

Outre les 980.000 francs à verser à ses anciens salariés, la SILEC devra également rembourser 350.000 francs aux ASSEDIC. C’est maigre au regard des 280 personnes laissés sur le carreau par la fermeture de la câblerie. Mais c’est une entaille de plus dans la gestion de droit divin des patrons.

REMI BROUTE

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